L’ADDICTION UNE LUTTE CONTRE SOI
Sister Morphine chantée par Mike JAGGER, encense les effets d’un Pharmakon transformant ses cauchemars en rêves. Mais jusqu’à quel point la substance soulage les maux du quotidien, la souffrance ou encore le vécu agonique ? « Ma vie est dominée par l’angoisse et c’est super puissant » raconte AVICII, DJ suédois, avec une déconcertante sincérité, dans un reportage qui lui est dédié, diffusé après sa mort. Il se serait suicidé. Tim BERGLING de son vrai nom, se décrit comme très timide : « Je me sentais jugé parce que je n’étais pas extraverti, comme si être introverti était perçu comme quelque chose d’inférieur. » La création était son moteur de vie. Ce don pour créer des mélodies l’enferma dans la spirale infernale de la notoriété, et l’alcool l’aida à supporter ce monde dans lequel il ne trouvait pas sa place. « J’avais tout pour être heureux, et pourtant je ne l’étais pas. » nous dit-il avec beaucoup de lucidité. On voit dans cette histoire de vie comment « les effets des addictions sont ressentis comme des temps de parenthèse permettant d’occulter les pressions du quotidien et d’effacer momentanément, par l’oubli, les craintes. ». On peut s’interroger sur ces temps de parenthèse procurés par les substances. Des parenthèses où les sensations corporelles nouvelles animent le sujet.
L’histoire de Tim BERGLING donne l’impression qu’il y a un impossible à exister sans la substance. L’alcool lui donnait la force nécessaire pour aller sur scène, mais aussi pour entrer en relation avec les autres. Tim BERGLING a tenté de lutter contre une chute lente dans un monde sombre, où il lui était impossible d’être, en dehors de sa création artistique. Il a lutté contre lui-même. Drogue, alcool et musique ont été ses tentatives d’être soi et l’ont aidé à lutter contre les affres de la dépression.
Ce qui nous interpelle est la façon dont la substance vient donner une contenance, permet à Tim BERGLING de donner le change sur scène et d’être AVICII. La substance nous apparaît comme une béquille.
Après avoir vu ce documentaire sur AVICII je me suis demandais comment les problématiques addictives nous éclairent sur la construction du sentiment d’être soi qui semble tant faire défaut chez les patients addicts.
Il apparait une forme d’être au monde bancal, chez les patients addicts, marquée par un vide intérieur et une lutte contre soi. Ils me laissent alors entrevoir une question existentielle animant leur être : « Qui suis-je ? ». J’ai l’intuition que la substance pallie une difficulté à être soi, à se sentir soi. La substance agirait alors comme une prothèse de l’être.
La problématique addictive entretient un rapport particulier à la dépendance. La dépendance tient cette particularité d’avoir été vécue par tout un chacun dans les premiers moments de la vie. C’est ce que S. FREUD décrira dans l’Hilflosigkeit. Le nourrisson est en effet entièrement dépendant de son environnement et de la mère procurant les soins maternels primaires. D. WINNICOTT décrira cette première phase du développement précoce de l’enfant comme une phase de dépendance absolue. Par la suite, « la capacité d’être seul d’abord en présence de la mère, puis en son absence, s’inscrit parmi les étapes d’accession à l’indépendance. ».
L’addiction maintenant une dépendance du sujet à un objet, ne viendrait-elle pas pallier un échec dans les étapes de l’accession à l’indépendance, concernant notamment la capacité d’être seul ? L’addiction serait « l’expression la plus visible de cette dépendance se manifestant par une recherche éperdue d’un produit, d’une situation ou d’un objet consommé avec avidité. ». Dans cette difficulté à existé seul, pour soi même et par soi même la substance devient comme un pillier dans la vie de ces patients. La drogue, l’alcool sont alors des béquilles qui tente d’aider la personne à avancer tant bien que mal dans sa vie, et a supporter des douleurs ou difficultés passées.
Il est difficile de penser que nous serons toujours seul, seul à penser, seul à désirer, seul à rêver. Les étapes de la vie depuis notre naissance ont pour objectif d’accompagner l’enfant vers l’autonomisation, puis de permettre à l’adulte de vivre ses relations tournées vers de nouveau objet d’amour, tout en acceptant cette solitude et ce manque originaire propre à tout être humain. C’est cela qui est difficile a accepter chez la personne souffrance d’une problématique addictive. il y a comme ce besoin fondamentale de remplir avec la substance ou avec l’objet de l’addiction (qui peut être une relation amoureuse ou amicale), le vide intérieur auquel nous pouvons tous etre confrontés. Chez le sujet addict c’est une lutte incessante entre l’adulte en devenir et le petit enfant qui persiste.
Finalement dans l’addiction une lutte contre Soi s’instaure.
Oeuvre de ;
- Kybly
- Tamara Valencia